Article rédigé le 29 mai 2024
Lors du Conseil européen des 21 et 22 mars 2024, les dirigeants de l'Union européenne ont demandé la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques en Russie et la fin de la persécution de l'opposition politique dans le pays.
Ils ont également demandé une enquête internationale indépendante et transparente sur le décès d'Alexeï Navalny, déclarant que la responsabilité ultime de sa mort incombe aux autorités russes.
En réaction à ces violations des droits de l'homme en Russie, l'UE a décidé de mesures restrictives visant à limiter l'exportation de certains équipements et technologies.
Ces mesures sont formalisées par la Décision (PESC) 2024/1484 et le Règlement 2024/1485 du 27 mai 2024, qui visent à prévenir l'utilisation de ces biens à des fins de répression interne en Russie.
Marchandises susceptibles d’être utilisées à des fins de répression interne
Le Règlement 2024/1485 impose une interdiction stricte de vendre, fournir, transférer ou exporter des équipements susceptibles d'être utilisés pour la répression interne en Russie à toute personne physique ou morale, entité ou organisme en Russie, ou destinés à une utilisation en Russie. L'Annexe I du règlement liste ces équipements.
Cependant, des exceptions et dérogations sont prévues :
- les équipements de protection temporairement exportés par le personnel des Nations Unies, de l'UE, des médias, des organisations humanitaires et de développement ne sont pas soumis à cette interdiction, pour leur usage personnel exclusif.
Par ailleurs les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser les exportations des bien concernés :
- lorsqu’ils sont « destinés exclusivement à être utilisés à des fins humanitaires ou de protection, aux programmes de renforcement des institutions des Nations unies ou de l’Union ou aux opérations de gestion des crises menées par les Nations unies ou l’Union ou par des organisations régionales et sous-régionales » ;
- ou lorsqu’elles ont établi que cela est nécessaire soit au fonctionnement des représentations diplomatiques et consulaires de l’Union et des États membres ou des pays partenaires en Russie, soit à la fourniture de services de communication électronique par les opérateurs de télécommunications de l’Union, à la fourniture des ressources et des services associés nécessaires au fonctionnement, à la maintenance et à la sécurité de tels services de communication électronique, en Russie, en Ukraine, dans l’Union, entre la Russie et l’Union, et entre l’Ukraine et l’Union, et aux services de centres de données dans l’Union.
Equipements et technologies ou logiciels pour la surveillance ou l’interception d’internet et des télécommunications
L'article 3 du Règlement 2024/1485 prohibe la vente, fourniture, le transfert, l’exportation, directe ou indirecte, des biens énumérés à son annexe II (équipements, technologies ou logiciels de sécurité de l’information et de télécommunications susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne), originaires ou non de l’Union, à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme en Russie ou aux fins d’une utilisation en Russie, sauf autorisation préalable de l’autorité compétente de l’État membre concerné.
Il est prévu que cette autorisation préalable ne sera pas accordée par ces autorités compétentes si elles ont des « motifs raisonnables » permettant d’établir que ces marchandises-ci sont destinées à être utilisées à des fins de répression interne par le gouvernement ou les organismes, entreprises ou agences publics de la Russie ou par toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions.
Là encore, des dérogations sont prévues, pour le fonctionnement des représentations diplomatiques et consulaires d’une part et pour la « fourniture de services de communication électronique par les opérateurs de télécommunications de l’Union nécessaires au fonctionnement, à la maintenance et à la sécurité, y compris la cybersécurité, des services de communication électronique, en Russie, en Ukraine, dans l’Union, entre la Russie et l’Union, et entre l’Ukraine et l’Union, et aux services de centres de données dans l’Union » .
Clause dite"Attrape-Tout" : l’exigence d’une diligence particulière des opérateurs
L'article 5 du Règlement 2024/1485 instaure une clause "attrape-tout" qui prévoit que les interdictions d'exportation :
- s’appliquent « lorsque des équipements, des technologies ou des logiciels non énumérés aux annexes I et II sont destinés, en tout ou en partie, à être utilisés dans le cadre de la répression interne en Russie » ; si un opérateur en prend connaissance, « il le notifie immédiatement aux autorités compétentes » ;
- mais ne s’appliquent pas si l’opérateur n’avait aucune raison de soupçonner que ces mêmes biens sont destinés, en tout ou en partie, à l’utilisation ci-dessus applicable aux équipements, technologies, ou logiciels non listés dans les Annexes I et II mais destinés à la répression interne en Russie. Les opérateurs doivent notifier immédiatement les autorités compétentes s'ils prennent connaissance de tels usages, sauf s'ils n'avaient aucune raison de suspecter cette destination.
Il appartient donc aux opérateurs d’être particulièrement vigilants -ou suspicieux- quant à l’usage et à la destination des biens exportés en Russie.
Entrée en vigueur et durée d'application
La décision entre en vigueur le 27 mai 2024, tout comme le règlement qui détermine les marchandises qu’elle vise. La décision s’applique jusqu’au 28 mai 2025 et fait l’objet d’un suivi constant : elle sera prorogée, ou modifiée selon le cas, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.
L’Union européenne, en complément des mesures restrictives en réponse à l’invasion de l’Ukraine, s’est donc dotée d’un ensemble complet de règles visant à sanctionner la violation des droits de l’homme en Russie, sur son territoire. Dans ce contexte, encore une fois, la vigilance des opérateurs est cruciale. Notre cabinet se tient à votre disposition pour vous aider à déterminer les conséquences pour votre activité de cette règlementation.